19/01/2016
Sur la trace des bélugas
Mise à jour – 19 janvier 2016: les hypothèses du pourquoi le projet n’a pas été aussi concluant qu’on l’espérait
À l’aube de la migration saisonnière des bélugas, une question persiste: mais où vont-ils l’hiver? Cette question est au cœur même d’un nouveau projet de recherche lancé au mois d’octobre: Sur la trace des bélugas qui vise à comprendre où et comment vivent les bélugas lorsqu’ils quittent l’estuaire du Saint-Laurent. C’est avec la technologie de télémétrie satellite ainsi que des survols aériens que des mâles bélugas seront «filés» jusque dans leurs quartiers d’hiver pendant plusieurs mois.
Mise à jour – 19 janvier 2016: Suivre les bélugas l’hiver: un défi technologique
Le 2 décembre 2015, nous recevions la dernière transmission de la dernière balise. Que s’est-il passé avec nos émetteurs qui, nous le souhaitions, devaient avoir une durée de vie plus longue? Robert Michaud du GREMM énonce les hypothèses qui expliqueraient pourquoi le projet d’émetteurs satellites n’a pas été aussi concluant qu’on l’espérait et les futures étapes à venir. Écoutez l’entrevue à l’émission Bon pied, bonne heure (14 janvier 2016) à ICI Radio-Canada.
Présentation de Sur la trace des bélugas et mises à jour du projet
C’est aujourd’hui bien connu: la population de bélugas du Saint-Laurent se concentre dans l’estuaire et le fjord du Saguenay durant l’été. Au fil des trente dernières années, les connaissances acquises grâce à l’extraordinaire collaboration entre plusieurs institutions scientifiques sur la distribution et l‘habitat estival des bélugas se sont précisées. De nombreuses données scientifiques sont devenues disponibles et ont même été essentielles à la mise en place de mesures de protection comme la désignation d’habitats critiques ou la création du parc marin du Saguenay-Saint-Laurent. Toutefois, la plupart de ces données sont récoltées en saison estivale. Que se passe-t’-il une fois qu’ils ont quitté ce secteur tard à l’automne? Où se concentrent-ils? Quels sont les facteurs qui motivent leur choix pour un secteur en particulier pour y passer la saison froide et quel est ce secteur? Ces questions demeurent, même après plus de 30 ans de recherche sur le béluga du Saint-Laurent.
Des données enregistrées dans les années 1940 ainsi que celles obtenues grâce à des survols aériens réalisés au début des années 1990 ont fourni quelques informations sur la présence de bélugas dans le golfe du Saint-Laurent notamment au large de la Côte-Nord et de la Gaspésie, mais les informations demeurent rares et sporadiques. La question intéresse les scientifiques depuis plusieurs années, mais l’urgence d’y répondre s’est accrue avec la hausse de mortalités de nouveau-nés observée depuis 2010 et le constat que cette population est en déclin depuis les années 2000. Est-ce qu’un changement dans leur habitat d’hiver, comme la hausse de la température de l’eau et la diminution du couvert de glace en hiver, pourrait avoir une incidence? Ces questions demeurent sans réponse à ce jour. Toutefois, plusieurs pistes pour comprendre ce déclin ont été émises par la communauté scientifique. Des inventaires aériens pour estimer la distribution des bélugas en dehors de l’été ont été réalisés au cours des trois dernières années par le biologiste Jean-François Gosselin (Pêches et Océans Canada). Seule une faible proportion de la population de bélugas du Saint-Laurent a été retrouvée. Où sont les autres? Les résultats d’abondance préliminaires des relevés d’automne, d’hiver et de printemps des dernières années suggèrent que les animaux se dispersent au-delà de Pointe-des-Monts ou même de l’île d’Anticosti.
Sur la trace des bélugas est mené conjointement par le GREMM et Pêches et Océans Canada (MPO) et supporté financièrement par le Fonds mondial pour la nature (WWF Canada) et la Fondation canadienne Donner. Ce projet vise à fournir des éléments de réponses à ces nombreuses questions qui demeurent en suspens sur la vie des bélugas du Saint-Laurent. L’équipe du Bleuvet, incluant les chercheurs Robert Michaud (GREMM) et Véronique Lesage (MPO), a repris le large cette semaine, pour une vingtaine de jours dans le but d’aller poser des émetteurs satellites, de type LIMPET, sur six mâles pour pouvoir tracer leurs déplacements dans les prochains mois. Les balises satellites, projetées à distance sur les animaux, peuvent émettre pour une période allant à plus de 100 jours. La télémétrie par satellite a joué un rôle clé dans la science et la gestion des populations de bélugas du Nord dans les dernières décennies, révélant les mouvements à long terme, la fidélité au site, la préférence pour des habitats et l’étendue des populations. Des survols aériens en collaboration avec Jean-François Gosselin sont prévus en complément au projet dès le mois de novembre pour retrouver les individus «filés» dans leur territoire hivernal et ainsi obtenir des informations essentielles pour déterminer entre autres l’habitat critique des bélugas du Saint-Laurent, soit l’une des stratégies énoncées dans le Programme de rétablissement du béluga du Saint-Laurent paru en 2012.
Sur la trace des bélugas est le prélude d’un autre projet d’envergure: Une année avec les bélugas, une mission scientifique qui suivra les bélugas durant un an et ce, jusque dans leurs quartiers d’hiver éloignés. Les résultats obtenus des suivis satellitaires de cet hiver serviront d’ailleurs à établir les bases pour les suivis en mer réalisés lors de cette prochaine année avec les bélugas.
Suivez l’évolution de ce projet au fil des semaines, sur le site Baleines en direct et nos réseaux sociaux. Soyez informés des avancées de l’équipe qui vous dévoilera de nouveaux aspects de ce nouveau projet fort prometteur!
Suivez l’aventure avec nous!
En savoir plus:
Communiqué de presse diffusé par le Fonds mondial pour la nature (WWF-Canada)
Sur la trace des bélugas : Expédition sur le Saint-Laurent pour en dévoiler quelques mystères
Mise à jour — 7 décembre 2015: On a perdu leurs traces
18 h 18, le 2 décembre, c’est l’heure de la dernière transmission! La balise de DLS04 ne transmet plus. Comme lors des premières interruptions de transmission, nous nous laissions 48 heures avant de conclure à l’infortune, mais le sort de notre dernière balise ne fait plus aucun doute : nous avons perdu la trace de nos bélugas.
Encore en fin de semaine, plusieurs bélugas ont été aperçus, depuis nos bureaux au Centre d’interprétation des mammifères marins à Tadoussac, dans l’embouchure du Saguenay. Mais aucun ne nous «avertira» du moment de leur départ vers l’est, vers le golfe. Au cours des prochaines semaines, nous reverrons notre stratégie pour recueillir les nouvelles informations dont nous avons besoin pour mieux comprendre les habitudes hivernales des bélugas. Nous disposons de plusieurs heures de vol que nous planifions utiliser pour suivre la trace des bélugas. Ces heures de vol devront être utilisées le plus judicieusement possible pour trouver cette trace. L’enquête reprendra en janvier.
C’est une histoire à suivre!
Mise à jour — 3 décembre 2015: Après l’enthousiasme, la déception
Mauvaises nouvelles de Tadoussac. Cette semaine, deux des trois dernières balises qui devaient nous emmener sur la trace des bélugas sont tombées… ou sont tombées en panne. Notre première hypothèse est que les balises ont cessé de transmettre parce qu’elles se sont détachées. Toutefois, les quatre balises qui ont bien fonctionné et qui ne transmettent plus ont duré respectivement 10, 13, 12 et 10 jours. Nous envisageons la possibilité que ces durées très semblables correspondent à un problème mécanique ou électronique! Un examen attentif de ces résultats suivra au cours des prochains mois.
D’ici là, nous croisons nos doigts pour que le troisième «mouchard» transmettre plus longtemps!
Suivi des trois derniers bélugas «taggés». Chaque couleur correspond aux déplacements d’un animal; le rond indique la dernière position de la journée et l’étoile rouge la dernière position reçue.
Mise à jour — 1 décembre 2015: Déjà de retour à Tadoussac!
Après une courte escapade en aval de l’île Bicquette, nos trois mouchards sont revenus dans le secteur des Bergeronnes — Tadoussac. Le moment du grand départ ne semble pas encore arrivé.
Depuis le début du suivi de DLS04 (les trajets en jaune sur la carte ci-dessous), ses trajets journaliers semblent suivre de longs segments rectilignes. Ces trajets contrastent avec les zigzags de DLS05 et DLS06. En fait, chaque segment d’un trajet relie les positions transmissent par le satellite. Dans le cas de DLS04, nous avons reçu moins de positions et des positions moins précises. Il semble que cela soit attribué à la localisation de la balise. La balise de DLS04 a été placée un peu plus bas sur le flanc de l’animal.
Suivi des trois derniers bélugas «taggés». Chaque couleur correspond aux déplacements d’un animal; le rond indique la dernière position de la journée et l’étoile la dernière position reçue.
Mise à jour — 26 novembre 2015: On passe à la Phase II
Les vents sont furieux sur l’estuaire du Saint-Laurent aujourd’hui. Avec des pointes à 30 nœuds (on multiplie par 2, plus précisément par 1,852 pour convertir en km/h) du sud-ouest, nous sommes très heureux d’être au sec, sur la terre, mais un peu tristes quand même d’avoir rangé Le Bleuvet pour l’hiver. Et nos bélugas?
Nous débutons la deuxième phase du projet «Sur la trace des bélugas». Les dernières semaines ont été dédiées à la pose des balises. L’exercice s’est avéré plus difficile que nous l’avions imaginé. En fait, il faut dire que plusieurs journées du mois d’octobre ont été passées à patrouiller l’estuaire en zigzag, en évitant les secteurs trop venteux, à la recherche de mâles. Nous avons rencontré des dizaines de troupeaux de bélugas, mais le plus souvent des troupeaux de femelles accompagnées de jeunes. Pas de doute que la ségrégation sexuelle, la séparation des mâles et des femelles observée pendant l’été, se poursuit à l’automne. Ensuite, il y a eu les inévitables difficultés techniques. Après les problèmes d’enrayage de la gâchette et quelques tirs trop courts, le retour au banc d’essaie dans l’atelier de Michel nous a permis de régler ces problèmes. C’est seulement au début novembre que la chance nous a souri. Des six balises déployées en novembre, trois sont encore en service. C’est avec ces trois mouchards que nous espérons partir sur la trace des bélugas.
Où vont et que font les bélugas en quittant leurs aires d’été? Maintenant que le bateau est serré et que les balises sont déployées commence la période d’attente. Nous attendons que les bélugas se déplacent vers l’aval pour commencer nos survols aériens. Les trois bélugas «taggés» au début de novembre ont très peu bougé (voir la carte du 18 novembre). Ils sont demeurés entre Tadoussac, Les Bergeronnes et Trois-Pistoles, des secteurs qu’ils fréquentent l’été. Nos trois nouveaux «mouchards» commencent eux à «regarder» vers l’est (surveillez les prochaines mises à jour de la carte). Depuis lundi, ils ont déjà fait quelques excursions en aval de l’île Bicquette et cet après-midi, ils étaient au large de Sainte-Luce-sur-Mer!
Les préparatifs pour les survols aériens ont commencé. Notre pilote, M. Jean Gosselin et son appareil, un Partenavia Observer GOSJ, n’attendent plus que notre appel. Notre collègue Jean-François Gosselin de l’Institut Maurice-Lamontagne (Pêches et Océans Canada) sera le designer de nos plans de vol. C’est Jean-François qui a dirigé les plus récentes campagnes de survols aériens pour le repérage et les dénombrements de bélugas du Saint-Laurent.
Nous n’attendons plus que le signal des bélugas. En regardant la mer au large des Bergeronnes et les vagues qui ne cessent de grossir, je ne peux m’empêcher de penser que l’hiver doit être une saison difficile pour les bélugas.
À suivre…
Mise à jour — 24 novembre 2015: Mission accomplie
Mission accomplie! Voilà le message que Michel m’a transmis depuis Le Bleuvet dimanche quelques minutes après la pose de la sixième et dernière balise. Tel que prévu initialement dans le projet, six individus, tous, d’après leur taille, leur morphologie, leur comportement et la composition de leur groupe, présumés mâles, ont été équipés d’une balise satellite qui doit nous permettre de les suivre dans leur migration. Les trois premières balises déployées au début du mois de novembre ont malheureusement déjà cessé de transmettre! Nous comptons dorénavant sur trois «mouchards» pour partir sur la trace des bélugas.
Suivi des trois derniers bélugas «taggés». Chaque couleur correspond aux déplacements d’un animal; le rond indique la dernière position de la journée et l’étoile la dernière position reçue.
Nous sommes déjà près de la fin novembre. Nous nous attendons à un départ imminent des bélugas vers l’est, vers leurs aires d’hivernage. On se croise les doigts: pourvu que les balises tiennent bon!
Cette fois, la balise a été placée plus haut sur le flanc, juste derrière la crête dorsale.
Mise à jour — 20 novembre 2015: C’est reparti
Une journée plus heureuse hier: nous avons réussi à déployer deux des trois émetteurs satellites qu’il nous reste pour la saison. Le tout s’est déroulé rapidement: à peine 30 minutes d’intervalle séparent les deux poses.
Premier béluga «taggé»: les photos du haut; le second, les deux du bas.
En fait, nos deux nouveaux «informateurs» nageaient côte à côte, dans le même groupe. Rapidement après la pose du premier émetteur, le groupe est revenu à son comportement d’avant la pose. Le groupe est passé et repassé à quelques reprises sous le bateau. L’occasion était trop belle! Après la deuxième pose, le groupe a maintenu sa composition et nous avons revu les deux bélugas à plusieurs reprises ensemble. Les premières localisations retransmises par le satellite suggèrent que nos deux nouveaux «mouchards» ne se sont pas beaucoup éloignés l’un de l’autre au cours de la soirée (voir la carte ci-dessous). Nous avons hâte de connaître la suite! Resteront-ils ensemble dans les prochains jours, les prochaines semaines et les prochains mois?! À suivre!
Une journée qui remonte le moral, nous avions le sentiment d’être revenus à la case départ (lien vers la mise à jour du 18 novembre) lorsque les premiers tags ont cessé d’émettre.
Mise à jour — 18 novembre 2015: De retour à la case départ
De bien mauvaises nouvelles cette semaine. Alors que nous poursuivons nos efforts en mer pour déployer les trois dernières balises satellites dont nous disposons, nous avons cessé de recevoir les signaux des deux bélugas «taggés» le 2 novembre. Le premier a cessé de transmettre jeudi dernier, le 12 novembre. Nous sommes restés attentifs, espérant qu’il s’agissait d’une interruption temporaire comme cela s’est déjà produit à quelques reprises lors de suivis de rorquals bleus effectués par notre collègue Véronique Lesage de Pêches et Océans Canada, mais lorsque le deuxième béluga est devenu «silencieux» dimanche, nos espoirs ont commencé à fondre.
Pour l’instant, il nous est impossible de connaître la cause de ces interruptions. À la première analyse, nous envisageons que le positionnement des balises sur le flanc des bélugas plutôt que sous leur crête dorsale pourrait avoir réduit l’efficacité de l’attachement.
Nous sommes donc de retour à la case départ. Nous n’avons plus «d’informateur» pour partir sur la trace des bélugas cet hiver! Encore une série d’ajustements à l’équipement et nous reprenons le large. Il nous reste encore une dizaine de jours avant de devoir sortir de l’eau notre bateau de recherche Le Bleuvet. On se souhaite évidemment du beau temps et… un peu de chance!
Mise à jour — 13 novembre 2015: Une courte semaine
Après une pause bien méritée en début de semaine, nous avons repris le travail mercredi. Notre patrouille sur le Saguenay est infructueuse, mais nous rencontrons Céline pour une xe fois accompagnée d’un bleuvet. Décidément Céline est bel et bien la «Reine du Saguenay» de l’année! Le lendemain, les conditions nous permettent de nous aventurer plus au large dans l’estuaire. Bonne nouvelle, dès le début de l’avant-midi, nous trouvons un grand troupeau de bélugas mâles… mais le bateau éprouve des problèmes! Pas le choix, nous devons revenir au quai de Tadoussac pour le remettre en état. Dès que le bris sera réparé et que les conditions météo seront favorables, nous retournerons sur l’eau.
Nous sommes toujours sans position pour le troisième béluga «taggé», mais nous suivons les traces des deux premiers, toujours présents dans le secteur entre Tadoussac, Les Bergeronnes et Trois-Pistoles.
Voici une nouvelle carte où les positions terrestres ont été exclues (voir la mise à jour du 9 novembre ci-bas).
Cliquez sur la carte pour suivre la trace des bélugas «taggés». En bleu, le premier béluga suivi; en jaune, le deuxième. Les positions «étoilées» sont celles de la dernière journée.
Mise à jour — 9 novembre 2015: Des bélugas sur la terre!
Depuis vendredi, l’équipe du Bleuvet est en pause. Dans le langage des marins, on dirait que l’équipe est restée à terre. Une pause d’ailleurs bien méritée. Nos bélugas, eux, sont toujours en mouvement. Ils semblent aussi être allés faire un tour «à terre»! Les dernières positions reçues et retranscrites sur la carte ci-dessous portent à croire que DLS01 (le premier béluga «taggé») a traversé l’île Verte et que DLS02 (le deuxième) est passé par la municipalité de Sacré-Cœur pour se rendre dans le Saguenay dans la baie Sainte-Marguerite.
En consultant les cartes, vous y découvrirez des segments de déplacement sur terre. Ces cartes sont élaborées à partir des positions calculées par le système Argos avant que nous appliquions les filtres qui élimineront les positions «douteuses». Chaque position est accompagnée d’une évaluation prenant en compte le nombre et la qualité des signaux qui ont servi au calcul. L’aller-retour «apparent» de l’un de nos bélugas dans le Saguenay par exemple a été reconstitué à partir de positions du type B, c’est-à-dire les positions les moins fiables.
Nous travaillons présentement à mettre au point un générateur de cartes qui pourra facilement faire les ajustements nécessaires pour conserver les meilleures localisations et faciliter le suivi de nos bélugas.
Heureusement, une forte proportion des positions reçues est de très haute qualité. Leur précision est estimée à quelques centaines de mètres. Aux fins de cette étude qui cherche à suivre les déplacements migratoires des bélugas, cette précision sera amplement suffisante.
Nous sommes toujours sans nouvelle du troisième béluga «taggé». Nous continuons à recevoir des signaux de sa balise, mais toujours pas de position.
Si la température nous le permet, nous reprendrons la mer mercredi prochain avec pour objectif des déployer nos trois dernières balises…
Mise à jour — 6 novembre 2015: Et de trois!
Mardi, nous avons déployé une troisième balise sur un autre mâle. Cette fois, l’emplacement de la balise est un plus bas sur le flanc, au point tel que, même à l’examen des photographies, nous n’étions pas certains que la balise se soit fixée sur le béluga. Depuis le déploiement, nous avons reçu quelques signaux de celle-ci. Par contre, nous n’avons pas encore pu obtenir de position. Il semble que la position de la balise sur l’animal ne permette pas une exposition suffisante de l’antenne pour permettre une localisation. Le fait que le satellite reçoive des signaux nous confirme toutefois que la balise est bel et bien sur notre béluga. On garde espoir de recevoir quelques transmissions qui permettraient au système Argos de calculer la position de ce troisième béluga.
Ce nouveau projet comporte plusieurs défis. La pose précise de la balise en est un de taille. La cible est petite, elle bouge et nous aussi. La dernière pose est un peu décevante pour l’équipe. Nous mettons tout en œuvre pour maximiser les chances de succès. Mercredi, nous sommes donc retournés sur le banc d’essai pour vérifier à nouveau tous les ajustements de la carabine à air comprimé afin d’optimiser l’emplacement de la prochaine balise.
Et pendant ce temps… nos deux premiers bélugas «taggés» se tiennent surtout sur le plateau au sud de la tête du chenal Laurentien.
Mise à jour — 5 novembre 2015: Qu’est-ce que le système satellite Argos?
En référence au mot grec Argos, un géant doté de plusieurs yeux, le système de surveillance Argos est un système mondial de localisation et de collecte de données géopositionnées par satellite. Ce système, créé en 1978 par le Centre national d’études spatiales (CNES), la National Aeronautics and Space Administration (NASA) et la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), localise des balises peu importe l’endroit sur Terre. Il a d’abord été utilisé pour la sécurité en mer, mais aujourd’hui il est surtout utilisé dans le cadre de recherches scientifiques (gestion de populations, océanographie, climatologie, etc.).
Une fois la balise fixée sur un objet ou un être vivant, celle-ci envoie un signal vers les satellites du système Argos. Ces satellites renvoient l’information vers des centres terrestres de traitement de données qui calculent la position de la balise. Les données traitées sont ensuite transférées aux utilisateurs aux quatre coins de la planète. Grâce à une faible consommation électrique permettant une plus grande durabilité et à une miniaturisation poussée, les balises Argos peuvent être fixées sur toutes sortes d’animaux, même ceux de petite taille comme les oiseaux sur lesquels les balises installées peuvent peser que 5 g. Il s’agit d’un système efficace pour le suivi à longue distance.
À l’heure actuelle, 22 000 balises Argos, réparties à travers le monde, sont actives. 8000 animaux sont suivis dont environ 1800 animaux marins. En 2010, 24 requins-tigres, suivis pendant 3 ans, ont dévoilé leur longue migration annuelle de 7500 km depuis les îles des Caraïbes jusqu’à l’Atlantique Nord où ils passent l’été; 5550 éléphants de mer équipés de balises Argos ont collecté plus de 240 000 profils de température et de salinité sur 10 ans dans l’océan Austral; les balises Argos déployées sur une centaine de rorquals à bosse au large du Brésil ont révélé que pour rallier les aires d’hivernage à l’ouest du continent sud-américain aux aires d’alimentation en Antarctique, les baleines empruntent des itinéraires reculés en haute mer à l’extrémité australe de l’Atlantique Sud près de la Géorgie du Sud.
Dans le Saint-Laurent, 20 balises satellites Argos ont été posées sur des rorquals bleus depuis 2010 afin d’identifier les aires utilisées par cette population en dehors des zones côtières de l’estuaire et du nord-ouest du golfe. Depuis cet automne, le projet Sur la trace des bélugas a ciblé la technologie de télémétrie satellite pour «filer» des bélugas mâles jusque dans leurs quartiers d’hiver.
Pour en savoir plus :
Sur le système satellite Argos
Sur le fonctionnement du système
Mise à jour — 2 novembre 2015: Et de deux!
Après quelques semaines d’attente et de frustration, voici que la chance nous sourit. Cet après-midi, nous sommes parvenus à déployer nos deux premières balises satellites. Les balises ont été placées juste sous la crête dorsale de deux mâles. Leur position est presque idéale. Nous visions en fait un peu plus haut sur le dos, où les tissus sont un peu plus cornés et peut-être plus solides. On espère que la rétention de la balise sur le flanc sera tout de même de bonne durée.
Première pose:
Deuxième animal suivi:
13 h 39 : deuxième émetteur posé sur un second mâle!
Cette position assure toutefois une bonne exposition lors de chaque surface. Chaque seconde d’exposition en surface est une chance accrue de communiquer avec les satellites. Plus ces communications avec les satellites sont nombreuses, meilleures seront les localisations. Nous avons déjà reçu quelques signaux des satellites et nous pourrons sous peu partager avec vous les informations «sur la trace» de ces deux premiers bélugas «taggés».
Alors que nous craignions que ce soit la température qui soit le facteur limitant de ce nouveau projet, notre plus grande difficulté jusqu’à présent a été de trouver des mâles. Au point où nous commencions à nous demander s’ils étaient déjà partis vers l’est, vers leurs aires d’hiver. Et bien, depuis la fin de la dernière semaine, nous avons rencontré quelques grands troupeaux composés presque exclusivement de mâles adultes. Cet après-midi, ils étaient au large de Bergeronnes.
Notre objectif demeure de déployer en tout six balises. S’il fait beau, nous serons de retour sur l’eau demain.
Mise à jour — 30 octobre 2015 : Quel type de balises satellites utilisons-nous?
Un espion sophistiqué
Il s’agit d’une balise satellite de type LIMPET (Low Impact Minimally Percutaneous Electronic Transmitter), largement utilisée sur plusieurs espèces de cétacés. Elle mesure environ 5 cm et est remplie de composants électroniques enrobés d’une résine époxy. Étanche, elle résiste à la pression de l’eau quand l’animal plonge. Elle est installée sur une flèche qui est propulsée par une carabine à gaz comprimé, à partir du pont du Bleuvet qui lui doit se trouver entre 7 à 9 m de l’animal et à 90° par rapport à celui-ci. Ses deux dards en titane sont prévus pour s’ancrer dans les tissus sous-cutanés du haut du dos de l’animal.
Une fois la balise accrochée, l’émetteur SPOT envoie un signal de l’animal vers les satellites du système Argos. Ces satellites renvoient l’information vers des centres terrestres de traitement de données qui calculent la position de la balise, donc celle de l’animal. Afin d’augmenter la durée de vie de la batterie de cet espion, seule la position GPS de la balise est recueillie, lui permettant ainsi d’émettre jusqu’à une centaine de jours.
Pour voir de près cet «informateur»: visionnez le reportage Où les bélugas passent l’hiver de Radio-canada (surtout les 20 premières secondes).
Mise à jour — 26 octobre 2015 : Pourquoi cherchons-nous des mâles?
Le système d’attache des balises satellites que nous tentons de déployer cet automne est constitué de deux «crampons» qui s’ancrent solidement dans les tissus sous-cutanés sur le haut du dos de l’animal. La technique, déjà utilisée sur les bélugas du Nord, est une première avec les bélugas du Saint-Laurent. Pour cette première application de cette technique, l’équipe cherche des individus robustes et de grandes tailles, plus «imposants», donc des mâles. Les mâles adultes mesurent environ 3,6 à 4 m pour un poids variant entre 450 et 1000 kg; les femelles: 3 à 3,6 m, 250 à 700 kg.
À venir… quel type de balises satellites utilisons-nous?
Mise à jour — 23 octobre 2015 : Pas de pose, mais une belle surprise!
Malgré les prévisions toujours désastreuses, nous nous sommes faufilés à travers quelques oasis de calme au cours des trois derniers jours. Pas de chance encore une fois. Et nous ne sommes même pas passés près. En fait, nous avons vu très peu de mâles cette semaine. Nous devrons attendre des éclaircies plus généreuses pour nous aventurer vers l’aval, au large des Bergeronnes ou des Escoumins où nous rencontrerons plus fréquemment les mâles.
Nos dernières tournées parmi les troupeaux de femelles nous ont toutefois permis de revoir plusieurs habituées du Saguenay comme DL0030, Yogi et Miss Frontenac. Mais la grande surprise, le retour de DL0169. Connue depuis 1977, oui oui 1977! DL0169, que nous surnommons la «Sag Queen», est, ou plutôt a été, l’une des plus fidèles visiteuses du Saguenay. Nous ne l’avions pas revue depuis 2009! Où pouvait-elle bien être?
Nous attendons la prochaine journée de beau temps pour reprendre notre recherche pour les mâles.
À venir… Mais pourquoi cherchons-nous les mâles?
Mise à jour – 21 octobre – De retour sur l’eau, mais pas longtemps!
Nous sommes enfin de retour sur l’eau, mais les prévisions de vent sont déprimantes : vent d’ouest, vent du nord-ouest, un peu de sud-ouest et encore de l’ouest. C’est l’automne. Hier, avec des vents de 30 nœuds au large, nous avons dû nous retourner vers le Saguenay. Au pied du cap de Boule, seulement à 5 km en amont de Tadoussac, nous croisons un petit troupeau de femelles avec leurs jeunes. On poursuit jusqu’à l’anse de Roche, où l’on rejoint un troupeau plus important et plus étendu. Il y a plusieurs femelles avec des jeunes, mais ces troupeaux étendus sont parfois accompagnés de quelques groupes de mâles. On remonte le troupeau à la recherche de mâles. Ils sont quatre, deux groupes de deux. Le temps de les rattraper et nous nous retrouvons au large de la baie Sainte-Marguerite. À cet endroit, le Saguenay s’enligne plus franchement vers l’ouest et le vent s’y engouffre férocement… On rentre à la maison.
Aujourd’hui, les vents sont encore trop forts… c’est une journée au laboratoire!
Mise à jour – 5 au 9 octobre – Première semaine du projet
Notre première semaine Sur la trace des bélugas a été plutôt frustrante. Malgré quatre journées de superbe météo, plutôt rares à l’automne, nous ne sommes pas parvenus à déployer le premier émetteur satellite! La tâche est délicate, nous le savions, mais nous sommes étonnés du résultat de la première semaine ou plutôt du non-résultat! En fait, les deux premières journées, il s’est avéré difficile de trouver des mâles. Quand nous les avons trouvés… ils étaient en cavale, beaucoup trop rapides pour tenter les approches. Au cours des deux autres journées, nous avons eu quelques occasions, mais pas de chance: un problème d’enrayage de la gâchette et un tir intercepté par… une vague! Le tir était bon, mais un mouton inattendu et imprévisible a dévié la course de la flèche qui doit délivrer l’émetteur.
On fait relâche du 12 au 16 octobre… Véronique et Robert seront à Copenhague au Danemark pour un atelier sur le dérangement chez les mammifères marins de l’Arctique.
Dans les médias
- Robert Michaud à Boréale 138 avec Michel Plourde, le 19 octobre 2015 : Où vont les bélugas l’hiver?
- Où les bélugas passent-ils l’hiver? à Radio-Canada, le 22 octobre 2015
- Sur la Trace des béluga présenté à Robert Michaud à Bon pied, bonne heure, le 22 octobre 2015 (6 h 50)
- Robert Michaud à L’heure de pointe avec Jean-Pierre Girard, 23 octobre 2015 (17 h 39 )
- L’équipe de WWF Canada nous parle du projet duquel ils sont partenaires: Belugas on the Move
- Robert Michaud nous parle de la migration des bélugas à Le monde aujourd’hui, 4 novembre 2015 (16 h 15)
- Tagging endangered belugas to find winter habitat ( Radio Canada International, Lynn Desjardins, 8 novembre 2015)
- Habitudes hivernales des bélugas : début difficile (Radio-Canada, 20 novembre 2015)
- Expédition sans précédent dans le Saint-Laurent (Journal de Montréal, Stéphanie Gendron, 28 novembre 2015)
- Les scientifiques perdent la trace de six bélugas (Radio-Canada,11 décembre 2015)
- Robert Michaud du GREMM énonce les hypothèses qui expliqueraient pourquoi le projet d’émetteurs satellites n’a pas été aussi concluant qu’on l’espérait et les futures étapes à venir. Écoutez l’entrevue à l’émission Bon pied, bonne heure (14 janvier 2016) à ICI Radio-Canada.